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De l'odeur au goût, comment fonctionnent l'odorat et le goût ?

« Qui est cuisinier ne peut l'être pleinement que par la mobilisation de ses cinq sens. »
Muriel Barbery

Prendre un repas, ce n’est pas seulement l’acte de se nourrir. Cela va bien au-delà d’un besoin purement physiologique. Les odeurs et les goûts sont reliés à notre instinct profond, porteur d’une foule de messages inconscients qui influencent nos choix alimentaires. Ainsi un plat est apprécié pour ses couleurs, sa texture, mais aussi pour l’odeur qu’il dégage.

Les huiles essentielles utilisées en cuisine nous entraînent immanquablement dans le domaine de l’olfactothérapie. Le monde des odeurs est très vaste, on en dénombre près de 40 000, mais l’homme n’en reconnaît que quelques centaines. En effet, dans nos sociétés de consommation, seuls trois de nos cinq sens sont régulièrement sollicités : la vue, le goût, l’ouïe. Le toucher et l’odorat sont les deux parents pauvres. La pollution et le raffinage des aliments, en particulier, ont amoindri l’odorat de l’homme.

Sur un plan général, la flaveur correspond à l’ensemble des sensations perçues lors du flairage ou de la mise en bouche d’un aliment, d’une boisson, c’est-à-dire les sensations rétro-olfactives, gustatives et trigéminales. Ces sensations sont le résultat de stimuli générés par une multitude de composés organiques. Les molécules les plus volatiles (les huiles essentielles) sont les premières détectées. Ce n’est qu’au cours de la mastication que les autres molécules, non volatiles, parviendront à s’évaporer et à atteindre les fosses nasales. Elles sont responsables de la saveur et de la couleur.

Comment fonctionnent l’odorat et le goût ?

L’olfaction et la gustation sont des sens chimiques, c’est-à-dire que les sensations olfactives et gustatives sont provoquées par la stimulation de certaines cellules nerveuses sensitives du nez ou de la bouche par des molécules spécifiques.

Les récepteurs liés à l’odorat (les neurones olfactifs) sont stimulés par des particules chimiques en suspension dans l’air qui nous entoure (l’odeur du pain frais, du café fraîchement torréfié, d’un bouquet de fleurs,...). Toutes les cellules réceptrices des différentes odeurs sont localisées en haut des fosses nasales.

Lorsqu’un neurone olfactif est stimulé, il produit un courant électrique qui est transmis au cerveau par les fibres du nerf olfactif. Dans le cerveau, ces perceptions olfactives sont analysées, reconnues et mémorisées. L’homme peut reconnaître jusqu’à 10 000 odeurs différentes.

Les autres nerfs sensitifs :

Pas très loin des nerfs olfactifs et gustatifs se situe un troisième nerf: le nerf trijumeau qui est sensible à la chaleur, au froid, aux irritants comme le poivre et à la consistance (liquide, solide ou gazeux). Le nerf trijumeau se divise en trois branches: le nerf ophtalmique, le nerf maxillaire et le nerf lingual.

La flaveur

La flaveur d’un aliment est composée de la somme des cinq stimulations gustatives différentes, de sa température, de ses propriétés irritantes, de son odeur et de sa consistance. C’est l’odeur d’un aliment qui contribue vraisemblablement le plus à sa flaveur caractéristique. Quand on a le nez bouché lors d’une grippe ou d’un rhume, pourquoi les aliments n’ont plus de flaveur ? Lors de l’alimentation, les odeurs passent dans le nez par sa partie postérieure (olfaction rétro-nasale). La chaleur et les radiations lumineuses dégradent les composés comme les épices. Leurs extraits se conservent mieux à l’abri de la lumière et de l’humidité, c’est-à-dire dans des récipients opaques et dans des endroits secs et frais. Il en va de même pour les huiles essentielles. On nous mène par le bout du nez !

L'odeur

L’odeur est partout, et le pouvoir aromatique est mis en avant comme séducteur et devient par conséquent “vendeur”.
Les huiles essentielles font vendre. La preuve, nous les retrouvons en cosmétologie, produits alimentaires, diététiques, techniques de commercialisation de vente. Mais toutes ne sont pas de vraies huiles essentielles, sans parler de bio.
Du côté de la falsification, vient en tête le coupage, dont le procédé consiste à diluer l’huile essentielle avec un acide gras (de l’huile) ou de l’alcool. Il existe aussi des huiles essentielles dites “déterpenées” c’est-à-dire que l’on a retiré les terpènes. C’est une aberration, car cette opération déséquilibre l’essence aromatique et engendre une agressivité des aldéhydes (les terpènes temporisant ces dernières). Il arrive également que l’on vous vende une huile essentielle à la place d’une autre (surtout sans la précision du nom latin). Certaines sont en effet totalement reconstituées et sont en fait des huiles essentielles de synthèse, sous couvert d’une appellation (faussement) correcte. La tendance étant à la mode “aromatique”, la vigilance est donc de rigueur, car une qualité aléatoire peut faire plus de mal que de bien.

Lisez mon article sur les critères de qualité pour bien choisir vos huiles essentielles pour la cuisine.

Les colorants chimiques, les produits de conservation, de synthèse (hormones) et les antibiotiques font partie de la panoplie alimentaire. Notre palais est désormais habitué aux saveurs faussées et artificielles. Les conservateurs, grands responsables des modifications gustatives, font dévier nos attirances. Notre goût se falsifie et réclame davantage de “mauvais” goût, bien davantage que des saveurs authentiques. Nous nous habituons petit à petit à ces sapidités truquées. Car les faussaires du goût sont habiles et retors. La plante absorbée dans son état naturel ne peut que déranger.

Notre mémoire sensorielle s’imprègne de ces artifices et c’est ce que nous transmettons à nos enfants. Pourtant manger est un plaisir gourmet. Manger ce qui est de saison est un véritable régal. Or les produits frais sont fragiles et s’abîment rapidement. Alors les hommes ont cherché à conserver plus longtemps, et voici l’arrivée des traitements chimiques pour la conservation des aliments comme le sel et le sucre. En Inde, ce sont les épices qui jouent ce rôle. Aujourd’hui il devient de plus en plus difficile de se procurer des produits frais sans ajout de produits chimiques inclus, surtout dans les grandes villes ou le citadin fait ses courses en supermarché, où il trouve certains aliments à bas prix, mais à quel prix pour sa santé ?
Sans vouloir développer ce sujet ici, sachez simplement qu’il existe environ 150 additifs alimentaires. Pour les reconnaître, lisez les étiquettes et sachez que le “E” accompagné d’un chiffre (X00) représente des ajouts chimiques artificiels.

Le goût

La saveur comprend les 5 principaux caractères : le sucré (le sucre), le salé (le sel), l’acide (le citron), l’amer (le café) et l’unami (la sauce soja). Unami signifie savoureux en japonais.

Ces saveurs sont perceptibles sur les papilles gustatives ou cellules gustatives réceptrices du goût, localisées essentiellement sur la face supérieure de la langue. Nos papilles sont également sensibles à l’astringence, comme celle du thé par les tanins ; à la fraîcheur, de la menthe par le menthol et au caractère chaud/épicé voire brûlant comme le poivre par la pipérine ou le gingembre par les gingérols.

La théorie de la carte de la langue a été formulé au début du XIXème siècle. Même si tous les saveurs sont perceptibles par l'ensemble de la langue, des études ont toutes fois démontrer que certaines zones restaient plus réceptives.

Classement d’huiles essentielles selon les goûts de référence

Ce tableau est proposé par Ariane Erligmann dans son livre  “Les huiles essentielles culinaires : Plantes, arômes naturels, recettes.

Famille de goûtsOdeurGoût de référence huile essentielle de
ZestéeHespéridéeCitron, Orange, Mandarine
FruitéeMenthée
Anisée
Aromatique
Tabac-foin
Aldéhydée
Menthe poivrée
Anis
Aneth
Camomille allemande
Lemongrass
FloraleOrangée
Rosée
Aldéhydée
Jasminée
Néroli
Géranium
Citronnelle
Ylang-ylang
EpicéeAromatique
Phénolique
Balsamique
Gingembre
Girofle
Elémi
HerbacéeAgreste
Camphrée
Aromatique
Fleurie
Romarin
Arbre à thé
Eucalyptus
Camomille romaine
BoiséeEpicée
Terpénique
Balsamique
Ambrée
Cumin
Encens
Genièvre
Ciste
UmamiAromatiqueCéleri et Livèche
Mettez en avant les produits de votre région et sublimez vos plats avec les huiles essentielles comme Aymeric Pataud !

Des goûts et des couleurs, on ne discute pas

Dans l’univers fascinant des huiles essentielles utilisées en cuisine, chacune exprime sa propre sensibilité, sa propre perception du parfum et du goût. Il nous arrive d’aimer telle ou telle odeur sans nécessairement pouvoir en donner une explication raisonnée, alors que les perceptions visuelles et auditives font appel à une analyse mentale.

D’autant que les nuances des huiles essentielles sont très subtiles. Une même huile peut contenir jusqu’à 250 molécules aromatiques. Néanmoins, avec un peu d’expérience, certaines huiles se reconnaissent facilement par l’olfaction. Une ou quelques molécules dominantes les rendent bien identifiables.

Ainsi l’estragole de l’estragon donne une odeur douce et anisée. Le citral caractérise l’odeur du citron. Le citronnellal du géranium rosat donne une odeur de pétales de rose. Le pipéritone de la menthe poivrée donne une odeur fraîche et piquante.

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